Pages de Jean Kempf — Université Lumière - Lyon 2 — Département d'études du monde anglophone


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Vue générale de l'auditoire


Le nouveau paysage politique américain après les mid-term : Obama en échec ?


    Mardi dernier, à l'Institut d'Études Politiques de Lyon s'est déroulée la première séance de l'Atelier Amérique du Nord pour sa rentrée 2010/2011. C'est dans le Grand Amphithéâtre de l'IEP que s'étaient réunis de nombreux étudiants et américanistes pour discuter la question des élections de mi-mandat aux États-Unis. Intitulée Le nouveau paysage politique américain après les mid-term : Obama en échec ?”, la séance commença par une présentation complète des résultats et de leur signification par Vincent Michelot (IEP), Romain Huret et Olivier Richomme (Université Lyon 2).

    "Un raz de marée républicain", voilà comment M. Richomme résume la cuisante défaite essuyée par le Démocrates, surtout dans la Chambre des représentants où les Républicains se trouvent aujourd'hui dans une position de domination qu'ils n'avaient pas connue depuis le Voting Rights Act de 1965. Au niveau des législatures d'États, on se retrouve face à des gains historiques avec une majorité de 675 sièges. Dix-neuf chambres sont passées du côté Républicain, du jamais vu depuis le record de vingt chambres sous l'administration Clinton en 1994. Les Républicains détiennent à présent 55 chambres contre 38 pour les Démocrates. Ce changement majeur est très visible au Sud, où en 1990 aucune des vingt-huit chambres n'était républicaine alors qu'aujourd'hui 18 le sont, tout comme dans le Mid-West, où les Démocrates se retrouvent à leur niveau le plus bas en nombre de sièges depuis 1956.

    Avec un tel avantage pour les Républicains, les Démocrates vont devoir se montrer très prudents. Désormais, il s'agit de gagner la bataille du découpage des circonscriptions électorales. En effet, les États-Unis connaissent des changements démographiques importants: prochainement devra donc être voté le nouveau découpage du pays. Un découpage effectif dès les prochaines élections et valable pendant dix ans. Autant dire que la bataille sera rude car c'est une véritable menace pour les Démocrates. Si les Républicains, majoritaires dans l'hémicycle, arrivent à faire passer un découpage qui leur serait favorable, cela ne ferait que rendre chaque élection plus ardue pour les Démocrates et ce pendant dix ans. Les résultats de ces élections (plus soixante sièges à la Chambre et six au Sénat pour les Républicains) engagent tout le système législatif américain dans un ralentissement de son activité car on peut s'interroger sur l'attitude qu'Obama va adopter pour légiférer, lui Démocrate avec une Chambre fortement Républicaine et un Sénat plutôt Démocrate, ainsi que sur la productivité et la mise en place des réformes démocrates.

    Comme l'a expliqué M. Huret, les Républicains détiennent un pouvoir de nuisance considérable. Majoritaires ils peuvent freiner l'avancée des réformes démocrates. Les citoyens américains n'ont pas encore pu percevoir les changements de la réforme du système de santé par exemple, car aucune agence fédérale n'a encore été constituée pour sa mise en oeuvre, et sa création risque d'être désormais bien plus difficile pour des démocrates minoritaires dans la chambre basse. Obama va-t-il donc diriger sa politique vers un "statut-quo" dans l'attente d'une réélection en 2012, lui qui a été si négociateur pour faire passer ses réformes avant les mid-term ?

Obama

    Ainsi, les Républicains sortent grands vainqueurs de ces élections de mi-mandat avec le contrôle total de vingt États contre huit pour les Démocrates. Avant ces élections le clivage était bien différent: neuf États étaient sous le contrôle total des Républicains contre seize pour les Démocrates. Comme l'a précisé M. Michelot, quand on s'intéresse au coût exorbitant de cette campagne (284 millions de dollars à la mi-octobre pour les Républicains), on peut se demander si les intérêts financiers peuvent déterminer le résultat des élections.

    En effet, alors qu'habituellement les partis essaient de ravir une cinquantaine de sièges, dans cette élection c'est une centaine de sièges qui pouvaient changer de camp. Ainsi, par effet mécanique, la compétition fait augmenter les dépenses et donc le besoin de financement des partis. De plus, l'implication des secteurs tels que l'industrie pharmaceutique, les banques et les assurances dans le financement des Républicains n'est pas un hasard mais la réponse de ces grands groupes aux attaques d'Obama via la réforme du système de santé et la réforme financière.

    Vincent Michelot explique qu'un autre facteur est à prendre en compte: l'électorat. On peut se demander si ce dernier ne se comporte pas de manière insensée quand on regarde la versatilité des votes, la majorité passant d'un parti à l'autre à chaque élection. Cela s'explique par le changement structurel que connaît la vie politique américaine. Les électeurs se détachent des grands partis, ce sont désormais les indépendants qui font pencher la balance. Ce fut le cas pour l'élection d'Obama où les indépendants ont voté majoritairement démocrate, tout comme ce fut le cas en 2010, où les Républicains doivent leur victoire au soutien de l'électorat indépendant. Et ce changement, les Républicains et les Démocrates l'ont bien compris. Il est bien plus coûteux d'aller chercher des électeurs dont on ne connaît pas le comportement électoral: il faut séduire tout le monde et il est très difficile d'identifier les électeurs potentiels.


    Au-delà de l'importance des votes des indépendants, ces mid-term, ont mis en relief la montée du mouvement des Tea Parties. Héritier du mouvement du même nom, qui au 18ème siècle protestait contre les taxes imposées aux colonies par la Grande-Bretagne et auquel on attribua la montée du sentiment indépendantiste qui déboucha sur la création des États-Unis ; le mouvement contemporain s'est fait remarqué lors des élections de 2010 par ses nombreuses polémiques.

    Romain Huret, a tout d'abord souhaité rappeler que ce mouvement reste minoritaire et qu'il ne faudrait pas lui accorder l'importance qu'il n'a pas. En effet, les États-Unis n'ont pas sombré dans l'ultra-conservatisme qui qualifie ce mouvement. Certains candidats des Tea Parties n'ont pas été élu et ont effrayé les électeurs par leur discours. Cependant, les Tea Parties continuent de donner l'impression d'être un mouvement important au sein de l'électorat américain.

    Selon Romain Huret, la première explication possible de ce contraste serait de considérer l'importance des Tea Parties comme une construction médiatique. Les candidats de ce mouvement étaient les parfaits invités des plateaux-télés américains et étaient présents dans tous les médias: radios, journaux, télévision.

    Les Tea Parties étaient un véritable "aiguillon politique", précise M. Huret. Ces candidats n'hésitaient pas à aller là où la décence politique empêche d'aller. Les Tea Parties sont en effet passés maîtres dans l'art de manipuler un racisme codé et subtil à l'encontre du Président Obama. Une rhétorique que les autres candidats ne pouvaient se permettre publiquement. C'est ainsi par la récupération des symboles patriotiques américains, que les Tea Parties mobilisent l'attention et en vrais trublions transgressent les codes politiques.

    Romain Huret ajouta, qu'il s'agit d'un mouvement social du camp conservateur à l'encontre de Washington et de Wall Street, qui a parfois pris la forme de manifestations au niveau local. Ce qui est étonnant est le fait que ce mouvement populaire, en dépit du racisme qu'il exprime, mobilise au-delà des lignes partisanes de par sa rhétorique séduisante. Ceci s'explique surtout par l'évolution de la couverture médiatique du mouvement qui a induit une certaine prise au sérieux des Tea Parties.

    En effet, en mai 2010, ce mouvement est d'abord considéré comme une folie politique, marque de fabrique de la vie politique américaine, qui connaît cycliquement la résurgence de mouvements violents, anti-élitistes et à caractère raciste.

    En juillet 2010, la vision des Tea Parties change, après qu'on a découvert que la propagande républicaine pour cette campagne était financée par les mêmes milliardaires qui soutenaient la politique républicaine d'avant 2008 et dont le seul but était de récupérer leur contrôle sur Washington. Les Tea Parties commencèrent alors à être considérés comme une certaine forme de contrôle social face à la ploutocratie politique. Puis en septembre 2010, les Tea Parties apparaissent comme un véritable mouvement social qui exprime le malaise d'une classe moyenne qui ne se sent plus representée. Le mouvement reste reste minoritaire et doit être compris plus comme un "symptôme de la démocratie", embarrassant à la fois Républicains et Démocrates et exprimant ce que ces deux grands partis ne peuvent se permettre.  L'activisme social pourtant a changé de camp, des progressistes vers les conservateurs, et le militantisme américain est passé à droite. Face à cela, la gauche devra réagir et créer son propre militantisme pour contrer cette défaite.

    C'est après un débat vivant sur ces élections lors duquel furent abordés la réforme de santé, le pouvoir de nuisance des Républicains, l'administration Obama et la rhétorique des Tea Parties, ainsi que certains points du financement des mid-term que s'est finalement terminée la première séance de l'Atelier Amérique du Nord pour l'année universitaire 2010-2011.

Pour plus d'informations sur les mid-term : National Conference of State Legislatures, site recommandé par Olivier Richomme.

Sébastien Dominguez-Llacer







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