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Université Lumière - Lyon 2, Université François Rabelais - Tours,
Terra Foundation for American Art, Musée des Beaux-arts de Lyon


 
Repartir à Zéro / Starting from Scratch
Art et culture en Europe et en Amérique, 1945-1949
Art & Culture in Europe and the United States, 1945-1949

Colloque international
International Symposium

Musée des Beaux-arts de Lyon
12 et 13 janvier 2009
January 12-13, 2009
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Mardi 13 janvier matinée

10h00 : Niall BOND (Université Lumière-Lyon 2), Janus and Stunde Null.

 Cette communication aborde l’ambiguïté de l’expression de « Stunde Null » (« instant zéro »), qui, tel le buste de Janus, pointe dans deux directions opposées. La spécificité de cette expression en allemand vient de ce que la défaite fut pour le pays inconditionnelle et sans équivoque.
« L’instant » ou « l’heure zéro » fut d’abord une expression militaire introduite par les puissances alliées victorieuses. A l’origine, « zéro » ne désignait donc pas un point de départ mais plutôt un point d’arrivée, celui atteint par le régime nazi à sa capitulation. Le succès de l’expression en Allemagne vient précisément de cette ambiguïté. Elle créa en effet un usage équivoque qui traversa le spectre politique de l’Allemagne de l’Ouest et de l’Est, mais aussi de l’Autriche, à la fois comme promesse de libération et comme désignation de la catastrophe, de l’humiliation de la défaite et de la menace des années de privation à venir. Dans la culture germanophone, on l’emploie aussi bien dans un contexte politique, économique, social et culturel qu’en tant que référence à la mémoire et l’héritage historique, notamment pour évoquer la Shoah. Dans cette communication, nous proposerons une analyse politique des différentes significations de cette expression dans l’eschatologie marxiste de l’Allemagne de l’Est, évidente dans le film Meine Stunde Null de 1970, ainsi que dans la démocratie pluraliste de l’Allemagne de l’Ouest, à travers de nombreuses publications des années 1960 et au-delà portant le titre de « Stunde Null ».
L’expression à la fois montre le besoin de révolution sociale et de remplacement d’une élite politique, tout en accompagnant paradoxalement ce moment de réformisme qui permit à l’élite nazie de maintenir sa position. C’est une formule utilisée pour résumer un mensonge capital, un « Lebenslüge », dénoncé par Günter Grass comme étant une « allégation » désignant la croyance naïve que la socialisation de la répression et de l’injustice pourraient être surmontée grâce à un geste radical. Elle est utilisée pour décrire un moment de réconciliation entre les auteurs d’un crime et leurs victimes. Cependant, c’est aussi l’expression privilégiée de ceux qui ne sont pas prêts de reconnaître leur culpabilité historique et de ceux qui sont incapables de faire leur deuil. C’est à la fois l’expression de la libération de la communauté du peuple et celle de l’établissement d’une hégémonie étrangère, parfois mal acceptée. C’est à la fois l’expression de l’espoir que véhicule une culture et celle d’une catastrophe culturelle.