Mardi 13 janvier après-midi
14h : John KLEIN (Washington University, Saint Louis), Matisse back to square one in a game with new player
Cette
communication examine la situation d’un des artistes français les plus
renommés, Henri Matisse, dans la période suivant immédiatement la
Seconde Guerre mondiale, à partir de l’idée d’une sorte de « retour ».
Il est vrai qu’un artiste déjà célèbre avant la guerre ne peut rejeter
tout ce qui l’a amené à la maîtrise de son art et à la renommée. Mais
il ne faut pas croire pour autant qu’il peut poursuivre son objectif
sans réexaminer ses moyens d’expression (je paraphrase ici la
dichotomie qui sert de ligne de force à l’exposition). Peut-êtreà
l’encontre de l’idée centrale de cette exposition et sa thématique d’un
primitivisme fondamental, à savoir l’ouverture sur une infinité de
possibles par le retour au néant, j’examinerai dans cette communication
le tournant d’après-guerre dans l’art de Matisse non comme un retour à
zéro, mais plutôt comme un retour à ses fondamentaux d’origine.
Sa
reconversion en concepteur et décorateur de grands projets
environnementaux et architecturaux au milieu et à la fin des années 40
entraîna non seulement dans son travail la fin de la dimension
individuelle et une perte du contrôle absolu de l’artiste mais aussi
l’adhésion à des principes décoratifs qui avaient animé son art aux
débuts de sa longue carrière.
Pendant
la guerre, Matisse perçut les possibilités offertes par le papier
découpé, un moyen expérimental de production d’images qui se prête
aussi bien à la reproduction qu’à une utilisation à grande échelle. En
tant qu’outil de conception, le découpage permit à l’artiste
d‘entreprendre des projets au-delà de ses capacités physiques et
techniques (vitraux, peintures murales en céramique, tapisseries) et
d’étendre le marché pour ses productions en permettant la reproduction
du modèle sans utiliser les techniques classiques des beaux-arts comme
la gravure ou le moulage en bronze (livres, tissus, foulards, tapis).
Alors que Matisse s’engageait courageusment en territoire inconnu, les
caractères d’authenticité et de simplicité du découpage manuel firent
place à de nouveaux problèmes techniques qui l’obligèrent à renoncer à
sa maîtrise absolue et à ce qu’il avait appris dans sa carrière. La
collaboration devenait maintenant essentielle à l’accomplissement de
ses objectifs. La peinture avait rempli sont rôle et ne lui était plus
indispensable. Bien que n’étant pas le genre d’artiste à peindre au
sol, ni à brûler sa toile ou à la déchirer avec des objets tranchants
ou encore à la recouvrir de matériaux rappelant la terre, Matisse,
cependant, en se débarrassant progressivement de la toile, remit en
cause la confiance que les modernistes avaient en la peinture comme
idéal.
Une
telle remise en question n’eut pas lieu dans une sorte de vide culturel
mais bien dans le contexte transatlantique créé par les conséquences de
la Guerre. Sa confrontation avec les Etats-Unis fut pour lui un moyen
de satisfaire son désir de pénétrer de nouveaux marchés et d’obtenir
une nouvelle forme de mécénat. New-York apparaît ici non comme le point
final d’un dialogue mais plutôt comme un point d’accès dans la machine
économique américaine d’après-guerre, qui s’avéra être aussi capitale
pour le retour de l’artiste à la décoration que pour celui de la France
à une ère de stabilité.